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Les pages politiques de Mirabelle

La chatte rebelle et sans parti

Propos sur Socrate, en réponse à un billet de l'Hérétique

Les grecs ont toujours été fiers de proclamer leur obéissance aux lois, support et garantes de toute leur vie politique, car émanant d'eux-mêmes en tant de réflexion élaborée en commun.

La loi en Grèce est le symbole de la liberté. Elle est vénérée et doit être protégée. C'est par elles que la Cité se maintient et que la vie sociale est possible.

A la fin du Principat de Périclès, deux crises frappent Athènes. La première, très violente, déclanchée par la guerre du Péloponnèse et qui aboutit à un contrôle par Sparte, la seconde, plus profonde, radicalise le système politique en mettant en cause la démocratie elle-même.

A ce moment, la réflexion philosophique et l'analyse sophistique qui débouchaient sur l'opposition de la loi et de la nature, étaient exploitée par tous ceux qui tendaient à s'affranchir des lois.

Ainsi, après cette défaite militaire, les procès en empiété se multiplient, l'opinion publique attribuant aux penseurs, la responsabilité de cet échec et incapable de distinguer entre la propagande des sophistes les leçons socratiques, Socrate est accusé de ne pas croire aux dieux de la cité et de corrompre la jeunesse. En 399, il est jeté dans un procès en impiété, en fait procès politique, puisque l'impiété est considérée à Athènes comme un crime d'Etat aussi grave que la trahison.

On lui reproche également de pourfendre le tirage au sort, l'incompétence des assemblées populaires, l'ignorance des hommes d'Etat, le règne du bavardage et de la flatterie.

Ces accusations exprimaient la haine d'une partie des démocrates au pouvoir auxquels Socrate reprochait de ne pas vivre selon les valeurs qu'ils avaient eux-mêmes proclamées et de gouverner par la flatterie.

Condamné à boire la cigüe, un ami lui propose d'échapper à la mort en s'évadant de prison. Socrate procède alors à l'examen rationnel de cette proposition. Si la fuite est juste, il fuira, si elle ne l'est pas, il restera en prison et acceptera sa punition.

Examinant le point de vue des lois, il relève qu'elles posent le principe de l'existence d'un contrat entre elles et les citoyens d'Athènes, auquel les citoyens ont la liberté d'adhérer, ce qu'il a fait. Certes, le contrat est inégal mais il est toujours possible d'y renoncer.

En acceptant la protection des lois de la cité, le citoyen doit en contre-partie se soumettre à leur commandement sans jamais pouvoir se faire justice à lui-même en décidant de sélectionner celles qui lui conviennent et les autres.  D'autre part, bénéficiant du régime démocratique, le citoyen est aussi l'auteur de ses propres lois, son devoir étant alors de convaincre ou de se conformer, en tant que participant.

C'est en parfaite connaissance de cause que le citoyen adhère, et de manière catégorique, les lois affirment " Si tu n'es pas satisfait, tu es libre de nous quitter" ... or, Socrate a largement adhéré car vivre dans une cité que l'on peut quitter librement mais dans laquelle on reste équivaut à accepter tacitement d'obéir à ses lois.

Et Socrate, plus que tout autre citoyen d' Athènes a particulièrement marqué son attachement à la Cité, ayant choisi d'y vivre, d'y élever ses enfants, refusant dans sa plaidoirie l'exil pour préférer la mort. Tout ceci montre la puissance du lien contractuel qui l'unit aux lois de la cité, à lui donc de manifester son obéissance à leurs prescriptions et de n'être pas ingrat.

Car violer la loi c'est se rendre coupable envers elles de projeter leur perte, elle fait courir le risque de voir anéanti tout le système juridique sur lequel repose la Cité, c'est en quelque sorte les condamner elles aussi à mort.

" Comment l'Etat pourrait-il continuer à exister et n'être pas de fond en comble renversé si les jugements qui y sont rendus sont sans aucune force, et qu'au contraire, par la simple volonté d'un particulier, ils perdent toute autorité ..."

Dans tous les cas, insiste-t-il, l'individu a l'obligation de subir la punition prescrite par l'Etat, même si elle est injuste. Il n'est jamais juste de commettre un acte injuste en réponse à une injustice. Battant ainsi en brêche la Loi du Talion, admise à l'époque.

"Qu'est ce donc que la sagesse si tu ne sais pas que la patrie est plus précieuse, plus respectable, plus sacrée qu'une mère, qu'un père et que tous les ancêtres, et qu'elle tient le plus haut rang chez les Dieux et chez les hommes censés ?"  poursuit-il.

Ainsi, Socrate, accepte de se sacrifier plutôt que de les enfreindre.  L'ordre de la Cité n'est qu'une partie de l'ordre général du Cosmos que le Sage s'applique à connaître pour agir rationnellement. Et le Sage s'y tient fermement, devrait-il encourir la mort.

Acceptant son sort, Socrate se fait martyr et sait qu'il prolongera ainsi sa pensée et son enseignement. Sa mort est un dernier défi, une dernière expression.

Vous retrouverez le billet de notre ami l'Hérétique ici
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L
<br /> Tout cela, c'est ce que dit la légende dorée. Certes, Socrate a été exemplaire dans sa vie et dans sa mort, et il respectait les lois de sa cité. Il n'en reste pas moins que pas un de ses disciples<br /> ne s'est retrouvé du côté de la démocratie, au final, et que cela interpelle donc sur la nature et la qualité de ses enseignements...<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Je ne sais pas si Jacqueline de Romilly ( entre autres auteurs que j'avais consulté à l'époque où j'avais étudié ce point précis) fait de la légende dorée, il me semblait que ta critique retenait<br /> les accusations qui ont valu son procès à Socrate... quant aux disciples... il n'en n'est pas responsable, chacun mène sa vie... c'est un peu comme si tu accusais les romantiques allemands d'être<br /> responsables du nazisme ! il y a une filiation, après chacun évolue à sa façon ... j'espère sincèrement que tu reconsidéreras ton point de vue sur Socrate . Bises<br /> <br /> J'ajouterai que le contexte politique dans lequel se sont retrouvés les disciples, une démocratie décadente que Socrate dénonçait déjà a certainement précipité les penseurs suivants vers la<br /> recherche d'autres formes de gouvernement ... comme j'ai commencé à l'expliquer d'ailleurs dans mon précédent billet sur les régimes politiques ... la dégénérescence d'un régime en entraînant un<br /> autre ... ce qui nous arrive d'ailleurs actuellement !<br /> <br /> <br />
F
<br /> Le problème, c'est qu'aujourd'hui on ne nous demande pas notre avis... le contrat est seulement implicite (et d'ailleurs personne ne le connaît en totalité)<br /> <br /> <br />
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M
<br /> le problème c'est que tout s'est extrêmement complexifié et uniformisé ... disons qu'au lieu d'être un contrat négocié, ce n'est plus qu'un contrat d'adhésion !<br /> <br /> <br />
P
<br /> A quoi ça sert de se sacrifier pour la loi ? Ce n'est pas aider au changement d'une loi injuste...<br /> Et puis tout le monde n'est pas puni suivant où il se place c'est "Pas vu pas pris!"<br /> <br /> Bon, vu que je ne crois pas en Dieu et que je n'ai pas l'âme d'une martyre... Mes propos peuvent sembler décalés... Hem<br /> <br /> (°à°...<br /> <br /> <br />
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M
<br /> déplace toi dans l'espace temps ... pas la même époque, pas les mêmes mentalités , pas la même culture ... tu connais<br /> l'Iliade et l'Odyssée ... bon, tu les remets dans le contexte d'aujourd'hui, et ils sont totalement ridicules !!!!<br /> <br /> <br />